6 types de sérendipité
La sérendipité qualifie le fait de « trouver quelque chose que l’on ne cherchait pas ». Il arrive que ce soit parce que l’on cherchait autre chose, par contrainte, par accident ou maladresse, …
Les trouvailles inattendues représentent une source d’innovations au potentiel extraordinaire … à condition que l’on y soit attentif.
Six types de sérendipité
L’observation de la sérendipité est alimentée en permanence à travers les récits d’inventeurs qui ont bénéficié de ces découvertes inattendues. Compte tenu de la richesse et de la diversité des exemples, il est nécessaire de déterminer différents types de sérendipité pour mieux les analyser.
On pourra alors aisément se rendre compte que :
- premièrement, la sérendipité peut se provoquer !! (c’est notre concept de« sérendipité intentionnelle©« )
- deuxièmement, la sérendipité fait appel à de nombreuses ressources, et pas seulement la chance, la curiosité et l’ouverture comme nous le lisons trop souvent dans de nombreux articles sur le sujet.
Plusieurs auteurs ont déjà proposé des classifications ou des typologies. Chacune répond à des objectifs propres (lire, en particulier, Pek Van Andel et Danièle Bourcier, Fernand Lot, Jean-Louis Swiners, Mark de Rond, etc ..). L’objectif de notre typologie est de favoriser une approche pratique. En effet, regrouper des cas à l’aide de ce qui semble être la cause (ou les circonstances) de leur manifestation, offre le grand intérêt de pouvoir travailler la compréhension de ce phénomène. C’est ainsi que, en cherchant à comprendre pourquoi et comment ça marche, mais aussi pourquoi et comment ça ne marche pas, en identifiant des facteurs de succès, ou des freins, nous avons pu projeter des solutions nouvelles et construire des outils de travail.
Notre classification répartit les découvertes par sérendipité en 6 types :
- Type A : Découvert en cherchant autre chose
- Exemples : Le Post-It©, le Kevlar©, l’Amérique (Christophe Colomb), la super glue, …
- Type B : Découvert par maladresse ou par erreur
- Exemples : La pénicilline, la tarte Tatin, le Carambar©, l’hélice de bateau, …
- Type C : Découvert par nécessité ou par contrainte
- Exemples : Le Nutella©, le pansement gras (Ambroise Paré), les « innovations Jugaad », …
- Type D : Découvert par l’attention portée au public
- Exemples : Le Viagra©, le Combi VW ,
- Type E : Découvert en observant autre chose
- Exemples : Le Velcro©, la semelle Nike Waffle©
- Type F : Découvert en ne cherchant rien
- Exemples : Lascaux, le four à micro-ondes, …
Sérendipité de type A – Découvrir en cherchant autre chose
La recherche scientifique recense de nombreuses découvertes réalisées à la suite de travaux dont l’objet initial était tout autre. Et la liste pourrait être plus longue : un grand nombre de découvertes sont restées ignorées simplement parce que ce n’était pas ce qu’on cherchait, ou parce que l’utilité n’était pas perçue et qu’on l’a oublié. Pensons aussi aux sentiments divers qui ont justifié que des chercheurs attribuent leurs découvertes à des causes bien plus rationnelles, plus habituelles, et non à la sérendipité.
Il en est ainsi des découvertes du Post-It®, du Kevlar®, des édulcorants de synthèse (saccharine, aspartam, cyclamate) du bleu de Prusse, du téflon,…
La découverte, inattendue, des propriétés du cyanoacrylate plus connu en tant que « super glue » est clairement imputable à une sérendipité de type A :
Le cyanoacrylate a été découvert durant la Seconde Guerre mondiale en cherchant un moyen de remplacer la soie d’araignée dans la fabrication des réticules de lunettes de visée. Il n’a pas résolu le problème, car il collait à tous les équipements utilisés pour le manipuler. Plus tard, il fut développé en une forme plus utile par la compagnie Eastman Kodak en 1958. Le terme est maintenant utilisé pour désigner une vaste gamme d’adhésifs basée sur un composant chimique similaire. (Wikipedia)
Mais, l’exemple le plus fameux est bien sûr le cas de Christophe COLOMB lorsque, en 1492, cherchant à rallier les Indes par une route nouvelle, il rencontre un continent inconnu des Européens.
L’exemple de Christophe COLOMB est intéressant à plus d’un titre. Il est connu, facile à interpréter et à commenter. Il est l’histoire d’une découverte, mais aussi d’une non découverte, puisque COLOMB lui-même n’a pas pris conscience de ce qu’il avait trouvé … Il est donc possible, sur ce riche exemple, de chercher à comprendre, à la fois comment on peut trouver autre chose que ce que l’on cherche, et comment on a pu ignorer des résultats inattendus.
Qu’est-ce qui fait que l’on peut « passer à côté » d’une découverte, d’une invention, d’une source de créativité et d’innovation ?
Dans ce type de sérendipité, il faut d’abord les conditions d’une découverte : elles sont mises en place par le mouvement de recherche, de quête.
Mais, surtout, dans un second temps, il faut parvenir à percevoir que l’on a trouvé quelque chose de nouveau, alors que l’objet de la recherche était anticipé, donc prédéfini, c’est-à-dire décrit avant sa rencontre effective. Il faut plus qu’une bonne dose de sagacité, de perspicacité. Il est également nécessaire de savoir se remettre en question …
Dans un troisième temps, il faut pouvoir laisser de côté, abandonner provisoirement ou définitivement ce qui était l’objectif initial. Ce qui pose la question de la définition ou de la redéfinition de ces objectifs, en lien ou non avec la stratégie, avec le sens de l’action.
Sérendipité de type B – Innover à la suite d’une erreur, d’une maladresse
Les maladresses, les bévues, ont généré des trouvailles inattendues. On parle alors d’une« erreur féconde ».
Quelques exemples :
Si Christophe COLOMB croit possible de se rendre en Asie par l’Ouest c’est parce qu’il prend comme référence une distance basée sur des erreurs de calcul.
Fleming découvre la pénicilline parce qu’il s’absente en oubliant de respecter quelques règles simples.
Citons également le CaramBar© (dont la forme est issue d’une machine qui s’est déréglée), la Tarte Tatin (due à la distraction d’une des sœurs TATIN), le Sauternes (qui serait dû à des vendanges involontairement tardives), les bêtises de Cambrai, les corn flakes, etc.
C’est également la vulcanisation du caoutchouc : c’est par mégarde que Charles Goodyear pose un morceau de caoutchouc recouvert de fleur de soufre sur un poêle à charbon. Le produit finit par s’enflammer et Goodyear n’a d’autres ressources que de le jeter par la fenêtre dans la neige. Au matin, ramassant l’objet, il constate que le matériau possède une grande élasticité et de surcroît durable. Il vient de découvrir la vulcanisation.
Le stimulateur cardiaque est également issu d’une erreur : en 1958, Wilson GREATBATCH travaillait à l’Université de Buffalo pour le Chronic Disease Research Institute voisin. Le prix des transistors avait baissé, si bien qu’on pouvait envisager de les utiliser pour des applications médicales. Ayant une bonne expérience de la question sur des animaux de ferme, il cherchait à concevoir un circuit bon marché qui enregistre les pulsations cardiaques.
Par erreur, il connecta un transistor d’un autre circuit sur lequel il travaillait et constata que ce circuit stimulait le cœur de l’animal. Dans un premier temps, il n’y crut pas lui-même. Cinq ans plus tard, la plupart des simulateurs cardiaques utilisaient ce circuit.
Au-delà des récits, voire des légendes, nous pouvons en tirer quelques enseignements. Il n’est évidemment pas question de provoquer, aléatoirement, des bugs, des plantages, des erreurs de quelque sorte que ce soit dans l’espoir naïf d’en sortir la trouvaille du siècle. Ce n’est pas nécessaire : l’humain est suffisamment imparfait pour que cette imperfection soit, d’abord reconnue, exploitée quelquefois.
Mais, aujourd’hui, trouver par erreur, est-ce acceptable, avouable ? Non seulement il est important de mettre en place tout un lot d’instrumentations, de procédures, de robotisations, dans le but d’éviter les erreurs, et toutes sortes de maladresses, mais comment appréhender le résultat de celles-ci dès lors qu’elles adviendraient ? Il peut paraître contradictoire de rechercher une maîtrise absolue des processus, une régularité, une fiabilité, et dans le même temps accepter, avec une certaine tolérance, que des maladresses, des écarts puissent révéler des informations créatives.
Cette tolérance va donc jusqu’à accepter un certain niveau de « désordre », d’incertitude. Ici, ce sont, par exemple, des qualités de manager-coach qui doivent être développées pour l’accompagnement des équipes : pédagogie, tolérance, optimisme, courage, lâcher prise (acceptation de séquences de non maîtrise des évènements).
Sérendipité de type C – Découvrir par nécessité ou par contrainte
Les nombreuses contraintes, souvent imprévues et inattendues, qui pèsent sur les entreprises, peuvent donner lieu à de nombreux autres exemples. Les récits suivants l’illustrent parfaitement.
Ambroise Paré : C’est sur le champ de bataille qu’Ambroise Paré découvre que la cautérisation des blessures par de l’huile de sureau (bouillante) n’est pas pertinente. Mais c’est seulement parce qu’il n’en dispose plus, parce qu’il est « en rupture de stock », qu’il s’autorise à transgresser la pratique traditionnelle et applique un autre traitement, lequel deviendra une nouvelle référence.
Nutella® : En 1946, Pietro Ferrero, pâtissier réputé de la région d’Alba, invente la pâte à tartiner. C’est parce qu’il ne trouve plus de fèves de cacao à des prix abordables qu’il décide de les remplacer en partie par des noisettes (abondantes dans sa région). Concassées et ajoutées notamment à du lait, du sucre, et du cacao, elles donnent naissance à un pain de chocolat baptisé Giandujot.
Un peu plus tard, en 1949, selon la légende, la canicule de l’été fait fondre le Giandujot et lui donne une texture plus crémeuse. Voyant l’avantage qu’il pourra en tirer, Pietro Ferrero modifie alors la recette et lui donne le nom de Supercrema. Le produit connaît un succès considérable. Afin de répondre à la demande croissante, son fils, Michele, industrialise le processus de fabrication et transforme l’entreprise familiale artisanale en une grande entreprise industrielle internationale.
Les Dents de la Mer : Sorti dans les salles en 1975, le film « Les dents de la mer » reste un des grands succès du cinéma et continue d’effrayer les spectateurs. Dans le film de Steven Spielberg, les agressions du grand requin blanc surprennent le spectateur, et sont d’autant plus effrayantes que celui-ci est quasi invisible.…
Or, ce procédé n’était pas prévu initialement : ce sont les difficultés à manipuler les automates qui ont pratiquement obligé Spielbergà adapter son tournage ! L’équipe disposait de trois faux requins en polyuréthane, de plus de huit mètres de long, et pesant chacun une tonne et demie. Mais ils étaient fragiles et les techniciens éprouvaient des difficultés à les manœuvrer. Au point que Steven Spielbergdevait les montrer le moins possible, et privilégier les contre-plongées.
Cette adaptation, ces improvisations, ont finalement produit un résultat qui n’en est que plus angoissant pour le spectateur, et ont certainement contribué à l’immense succès du film.
Le sculpteur César : Le sculpteur César est connu pour ses sculptures en métal faites à partir de déchets industriels compressés. Mais cette originalité n’était pas préméditée. C’est par manque d’argent que CESAR s’intéresse tout d’abord aux matériaux de récupération. Jeune, il aurait aimé utiliser le bronze ou le marbre, comme ses maîtres.
Le concept d’innovation frugale a pour objectif de créer des innovations de qualité à bas coût. En cherchant à adapter des produits pour les populations des pays émergents, certaines entreprises ont innové et créé de nouvelles opportunités. Les Indiens l’appellentinnovation jugaad. En revenant dans les pays industrialisés, occasion d’une seconde phase d’adaptation, les idées deviennent de nouvelles innovations, dites « innovations inversées« .
C’est ainsi que le groupe Renault a développé de nouvelles offres (la Dacia Logan était, à l’origine, exclusivement destinée au marché de l’Europe de l’Est).
General Electric a mis au point l’électrocardiogramme Mac 800 pour une médecine rurale, en Afrique. Il est maintenant largement vendu en Europe, par exemple pour des services d’urgence (accidents de la route en particulier) ce qui n’était pas prévu initialement !
Au Brésil, GE réalise actuellement des tests sur un sac à dos contenant un électrocardiogramme et un scanner, sorte de mini hôpital portatif pour les médecins qui doivent aller à pied dans les collines pour soigner des malades dans les favelas.
L’expression « Dos au mur » trouve son origine dans le domaine de l’escrime. Lorsqu’un fleurettiste recule trop pour éviter le danger, il finit par se trouver « dos au mur ». Ainsi il n’a plus d’autre choix que d’affronter son adversaire. Utilisée dans la langue courante au sens figuré, cette expression signifie que l’on n’a plus le choix, qu’il nous faut agir ou faire face à des difficultés.
Penser « dos au mur », se créer des contraintes factices, est une occasion de changer de référentiel, source d’idées novatrices. En observant et en tirant parti de ce qui se passe lorsqu’apparaissent des contraintes, réelles ou opportunément suggérées, il est possible de nourrir l’innovation et le développement. Ici, la maîtrise des outils et méthodes de débriefing sera essentielle.
Sérendipité de type D – Découvrir par l’observation du public
Le Viagra® : Le citrate de sildénafil, plus connu sous le nom de Viagra, fut découvert par les laboratoires Pfizer et commercialisé en 1998. Il a généré un chiffre d’affaires considérable.
En premier lieu, il devait être utilisé pour traiter les patients qui souffraient d’une forme de maladie cardiaque, l’angine de poitrine. Lors des études cliniques de phase 1, il fut remarqué que l’effet sur l’angine de poitrine n’était pas exactement celui espéré. En revanche, un des effets secondaires observés était que le sildénafil provoquait une érection. Pfizer décida donc de repositionner le sildénafil sur cette indication, alors dépourvue de médicament. L’autorisation de mise sur le marché fut accordée en 1998 aux USA, commercialisé en France depuis novembre 1998 et en 1999 en Europe.
Le Combi Volkswagen : Après plus de 60 ans de succès mondial, Volkswagen vient récemment d’arrêer la production du célèbre Combi, aussi populaire auprès des artisans que des hippies.
« Le hasard a écrit l’histoire de l’automobile. Lorsque l’importateur néerlandais Ben Pon se retrouve, en avril 1947, sur le terrain de l’usine Volkswagen à Wolfsburg, il aperçoit un véhicule qui attire son attention.
Ce véhicule a été construit par des ouvriers de Volkswagen, qui veulent se simplifier la tâche lors du transport de lourdes palettes. Peu de temps après, le 23 avril, cette vision se cristallise soudainement. Sur son bloc-notes, Ben Pon ébauche l’esquisse d’un nouveau type de voiture, qui n’existe pas encore, avec un moteur à l’arrière et une structure en forme de caisse. » (source : site internet de Volkswagen)
Et ce sont encore des usagers, bricoleurs anonymes, qui ont transformé ces véhicules utilitaires pour y installer un lit, une cuisine, et populariser le concept de camping-car.
Le Viagra®, le Combi VW et le camping-car montrent bien l’intérêt de ces découvertes inattendues : pour les entreprises qui accompagnent ce nouveau marché, innovant, la prise de risque est faible : on sait déjà que cela va fonctionner !
L’innovation ascendante
Le chercheur Eric Von Hippel a décrit le rôle des « lead users » dans l’innovation ascendante. Ces utilisateurs trouvent eux-mêmes des solutions pour des besoins auxquels l’industrie ne répond pas.
Aujourd’hui, le mouvement des « makers », l’open source, les fab labs, etc. génèrent une dynamique d’innovation qui peut inspirer les entreprises, depuis les start-up jusqu’aux grand groupes. Et ce dynamisme, très présent en particulier dans le secteur des nouvelles technologies (impression 3D, robotique, logiciels, …) peut s’exercer dans tous les domaines.
Ces découvertes seront favorisées par des qualités d’écoute et d’enquête en utilisant les outils associés. La méthode « écoute client » développée par le chercheur Shoji Shiba en est un exemple.
Sérendipité de type E – Découvrir par analogie, en observant autre chose
L’observation de la nature, source du biomimétisme, est à l’origine de nombreuses innovations originales et inattendues :
Applications de biomimétique dans l’industrie aéronautique
Les aigles : Si les ailes des grands oiseaux de proie, comme celles de l’aigle des steppes, étaient plus longues, elles ne pourraient pas profiter des colonnes d’air chaud ascendant qui permettent de s’élancer dans le ciel. Les ailes de l’aigle ont trouvé l’équilibre parfait entre portance maximale et longueur minimale, en recourbant vers le haut les plumes des extrémités, jusqu’à quasiment atteindre la verticale, assurant ainsi une très bonne portance.
« Les ailettes quasi verticales (ou winglets) en extrémité de voilure améliorent l’efficacité du vol pour une envergure donnée. Elles sont directement inspirées de la forme des ailes de l’aigle des steppes. Ce principe permet d’accommoder l’A380 aux limites aéroportuaires tout en garantissant d’excellentes performances aérodynamiques. De la même manière l’A320 sera prochainement équipé de grandes ailettes («sharklets») qui augmenteront encore son efficacité aérodynamique ce qui conduira à une réduction de la consommation et des émissions ». (source Airbus , site thefuturebyairbus.com)
Les Requins : La peau d’un requin est recouverte de minuscules écailles qui diminuent la résistance à l’eau, et permet ainsi au requin de conserver son énergie lorsqu’il cherche à se nourrir. Depuis plus de trente ans, le concept de cette « peau de requin » a fait l’objet de recherches, a été testé par les ingénieurs, a été adapté et appliqué à la construction aéronautique. De même que pour le requin, ce type de surface diminue les frottements et ainsi réduit les besoins en énergie de l’avion.
Le Lotus : La surface d’une feuille de lotus est telle qu’elle reste propre et sèche grâce à l’écoulement des gouttes de pluie, entraînant toute poussière. Ce phénomène, appelé « effet lotus », a inspiré les matériaux utilisés dans les cabines, et a évité l’accumulation de bactéries. Cela permet d’améliorer l’hygiène tout en réduisant la consommation d’eau nécessaire au nettoyage. Par voie de conséquence, l’avion est allégé, la quantité de carburant et les émissions sont réduites. Cette innovation est déjà utilisée sur les surfaces des toilettes dans les Airbus, et sera plus tard adaptée aux sièges et à la moquette.
Un parapluie pour un satellite : Au sein d’un bureau d’études de l’Aérospatiale des ingénieurs devaient concevoir un nouveau type de réflecteur d’antenne pour satellites. Ils devaient élaborer un réflecteur devant être transporté sous la coiffe de la fusée Ariane et dont la taille excédait largement celle de ceux développés habituellement dans l’entreprise. Comment réaliser un dispositif permettant à un objet très volumineux de tenir dans un espace restreint ? Les concepteurs sont sortis de cette impasse lorsque l’un d’eux a eu l’idée du parapluie. Le réflecteur pouvait être conçu comme un parapluie qui serait plié sur Terre pour être déplié dans l’espace. La réalisation d’une analogie et la gestion de contraintes se sont parfaitement combinées pour trouver une solution à la fois nouvelle et adaptée au contexte.
Récemment, en s’inspirant des tentacules du poulpe, des scientifiques italiens ont mis au point un robot capable, en se transformant, d’atteindre des endroits du corps humain habituellement difficiles d’accès.
D’autres exemples sont fréquemment cités, tel l’invention du Velcro® (par analogie avec la bardane), la semelle Waffle de Nike (en 1973, par analogie avec la gaufre).
Ce qui nous interpelle dans ces cas de sérendipité, c’est la richesse des inspirations décalées.
Le biomimétisme est une démarche qui s’inspire d’observations de la nature pour des applications techniques ou organisationnelles. De ce que la nature a construit au fil des siècles, entre hasard et nécessité, l’homme reproduit des modèles, des formes, des structures.
Le benchmarking, entre veille et intelligence économique, est une méthode qui permet de se confronter à d’autres références (normes, concurrence interne ou externe). C’est souvent un simple mécanisme de « copie intelligente ». Pour aller au-delà et favoriser la créativité, la sérendipité nous recommande d’observer, de comparer mais en choisissant un référentiel éloigné. Par un benchmarking décalé, on se compare à de la différence : alors que la recherche d’homogénéité et de standardisations excessives créent de l’immobilisme, l’observation de la différence et de la diversité favorisent les découvertes imprévues.
L’apport de réflexions et de pratiques différentes favorise l’innovation. On peut donc également favoriser ce type de découvertes en impulsant la diversité. Ainsi, par le recrutement ou par le recours à des intervenants extérieurs divers, le management peut introduire des apports culturels et intellectuels originaux.
Sérendipité de type F – Trouver en ne cherchant rien
Le four à micro-ondes : Le micro-ondes a été découvert par un ingénieur qui ne cherchait pas du tout sur ce sujet. Percy Spencer a eu l’idée d’utiliser les micro-ondes pour cuire les aliments alors qu’il dirigeait une usine de magnétrons pour radars. Alors qu’il passait à proximité d’un magnétron en activité, il ressentit de la chaleur dans la poche de sa blouse. En plongeant la main dans cette poche, il constata qu’une barre de chocolat y avait fondu.
Lascaux : La découverte de la grotte de Lascaux, comme de nombreuses autres découvertes, n’est issue d’aucune recherche spécifique.
« Nous sommes en 1940, à la fin de l’été. Rien n’incitait alors à détourner son attention des événements dramatiques qui marquèrent cette période. Pourtant, en Dordogne, une découverte archéologique majeure allait un temps attirer tous les regards.
À mi-pente de la colline qui domine au sud la localité de Montignac, s’ouvrait un trou de renard, entrée possible d’un souterrain qui, selon la légende locale, devait conduire au manoir de Lascaux. La première tentative d’exploration de cette cavité fut le fait d’un jeune apprenti garagiste, Marcel Ravidat. Faute de moyens plus adaptés, il dut remettre cette opération. Quatre jours plus tard, le jeudi 12 septembre, il revint sur les lieux avec trois autres jeunes de la commune, Jacques Marsal, Georges Agniel et Simon Coencas. L’orifice de l’anfractuosité fut élargi et Marcel se glissa dans une petite cheminée verticale. Il prit pied sur un cône d’éboulis qu’il dévala jusqu’en bas. Les trois autres complices le rejoignirent. À la lueur d’une lampe fabriquée dans la hâte, ils traversèrent une salle d’une trentaine de mètres de long. C’est à la faveur d’un resserrement de la galerie qu’ils aperçurent les premières peintures de l’actuel diverticule axial. Ils parcoururent ainsi l’ensemble des ramifications de la cavité, les parois révélant un fantastique bestiaire. Ils furent arrêtés dans leur exploration par un trou noir s’ouvrant vers d’autres prolongements de la grotte. Le lendemain ils y retournèrent avec une corde qu’ils déroulèrent dans l’orifice s’ouvrant au sol. Marcel s’aventura le premier dans ce puits profond de huit mètres. Au pied, il découvrit la scène de l’homme affronté au bison.
Ils confièrent leur aventure à leur instituteur, Léon Laval, qui descendit à son tour dans la grotte, le 18 septembre. L’abbé Henri Breuil, réfugié dans la région, fut informé de cette découverte. Il devait faire une première reconnaissance du site le 21 du même mois ».(source : site internet de LASCAUX)
La grotte de Lascaux est découverte par des enfants en promenade, leur chien s’étant perdu… C’est clairement une découverte inattendue, faite par des gens qui ne cherchaient rien… par hasard…
En second lieu, le préhistorien Henri Breuil ne cherchait pas particulièrement dans ce secteur : et pourtant l’histoire retiendra qu’il a été le premier spécialiste à visiter et étudier Lascaux… qu’il aura découvert sans la chercher, puisqu’on lui a « apporté » cette découverte.
L’histoire de Lascaux nous montre deux aspects possibles de ce type de sérendipité :
- premièrement, tomber sur une découverte, sans chercher (les enfants)
- deuxièmement, être interpellé, recevoir une découverte : l’abbé Breuil était un spécialiste réputé, disponible dans la région au bon moment.
Pour favoriser ce type de découvertes, il faut privilégier les outils et méthodes qui permettent de partager les trouvailles, et de faire connaître son expertise. Les réseaux, en particulier les réseaux sociaux, y contribuent fortement.
Conclusion
Cette proposition de 6 types de sérendipité justifie la possibilité de susciter les trouvailles, d’apprivoiser l’inattendu.
Il apparaît également que, au-delà de la chance, de la curiosité et de l’ouverture d’esprit, il est opportun de :
- lever des freins à la sérendipité tels que : certitudes, crainte du ridicule, conformisme, court-termisme, effets de mode, habitudes, maîtrise, méfiance, mimétisme, non-dits, peur du chef, soumission, standardisation, zéro défaut, … etc.
- s’ouvrir à des facteurs clé de succès tels que : audace, autorisation, confiance, courage, culture, différence, discernement, disponibilité, diversité, écoute, étonnement, humilité, humour, information, intuition, initiative, impertinence, naïveté, observation, optimisme, ouverture, partage, réputation, réseaux, sens stratégique, transgression, tolérance, veille, vigilance, … etc.
C’est l’objet du « coaching de sérendipité©«
Tous ces éléments, et quelques autres, sont développées dans un livre pratique : « Innover au Quotidien, Manuel Pratique de Sérendipité Intentionnelle© » à paraître très bientôt …
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