Internet a révolutionné l'accès au savoir. Comment le monde de l'éducation n'en serait-il pas bouleversé? Les institutions évoluent certes lentement et l'arrivée de nouvelles technologies, comme les MOOCs, n'a eu jusqu’ici qu'un impact limité. Tout indique pourtant que nous sommes à l'aube de grands changements. Cette série de neuf articles et entretiens essaie d’en prendre la mesure.
Sources : ParisTech Review
Ce ne sont simplement pas les nouveaux outils qui vont changer la donne, mais l’évolution en profondeur des sociétés et des économies.
La connaissance prend une place de plus importante dans nos économies et nos sociétés, à tel point qu’une nouvelle expression est venue baptiser cette phase de développement : l’économie de la connaissance. Caractérisée par le rôle croissant de la production, de la diffusion et de l’utilisation des savoirs (le capital dit intangible ou immatériel) dans la compétitivité des entreprises et des nations, cette économie de la connaissance requiert d’enseigner aux futurs citoyens et travailleurs un ensemble rénové de compétences, en partie différent de celui développé à l’ère industrielle.
Les enfants du numérique sont habitués à recevoir l’information très rapidement. Ils aiment les processus parallèles et le multitâche. Comme le dit le philosophe Michel Serres, ils n’ont plus la même tête. Qu’en est-il exactement? Est-ce une affaire de génération? Ces nouveaux schémas de pensée s’imposent aux éducateurs. L’École doit les prendre en compte. Pas seulement en adaptant ses méthodes, mais en s’inventant un nouveau rôle dans une société vouée à la consommation instantanée de la connaissance.
Entretien avec François Taddei / Biologiste, fondateur et directeur du Centre de recherches interdisciplinaires (CRI)
L’essor des machines condamne un certain nombre de compétences. Mais de nouvelles questions appellent une réponse humaine. Nous sommes confrontés dans le monde entier à des problèmes qu’on ne sait pas résoudre. Il faut donc développer différentes formes d’intelligence et apprendre à coopérer pour faire des choses qu’on ne saurait pas faire individuellement. Les systèmes éducatifs, qui restent essentiellement basés sur la compétition, sauront-ils répondre à ce défi?
Entretien avec Serge Abiteboul / Directeur de recherche à l’INRIA, professeur à l’ENS Cachan et membre de l’Académie des Sciences
La question se posait déjà dans les années 1980, avec l’avènement de la micro-informatique: allions-nous tous devoir apprendre à programmer? Le développement de l’industrie du logiciel semblait dans un premier temps avoir donné une réponse définitive, et négative, à cette question. Mais elle revient avec insistance. Pourquoi faut-il aujourd’hui la prendre au sérieux?
Tous les enfants peuvent apprendre à coder. Et dans un monde de plus en plus numérique, il est bon que les citoyens aient un minimum de bagage pour comprendre comment fonctionne leur environnement. Mais l’École est-elle le lieu le plus approprié?
À l’heure de la révolution numérique, de nouvelles formes d’apprentissage se développent. Les neurosciences suggèrent qu’elles sont plus adaptées et plus efficaces que les méthodes traditionnelles. Elles bouleversent les modèles actuels, tout particulièrement en ce qui concerne la place du professeur et la notion de classe. Leur principal avantage? Permettre une personnalisation très poussée de l’apprentissage, principe défendu de longue date par les pédagogues mais difficilement applicable dans nos modèles d’éducation de masse.
De tous les enfants entrant à l’école cette année, 75% exerceront un métier qui n’existe pas encore aujourd’hui. Cette évolution est déjà sensible: nous devons nous former continuellement. Bonne nouvelle, les neurosciences montrent que nous en avons les capacités. Le véritable défi est de mettre en pratique cet impératif et d’insérer harmonieusement la formation continue dans les carrières. Mais des solutions se développent. Et dans une économie de la connaissance, l’apprentissage peut-il être séparé du travail?
Tout comme la révolution numérique a bouleversé les industries créatives, elle vient chambouler l’enseignement supérieur, une « industrie » vieille de mille ans si l’on fait remonter sa naissance à la création de l’université de Bologne en 1088. Le numérique modifie en profondeur les équilibres économiques entre les différents acteurs, rendant certains modèles obsolètes, en faisant émerger d’autres, permettant des économies d’échelle d’un côté et représentant des coûts non négligeables de l’autre. Un exemple comme un autre de la création-destruction chère à Joseph Schumpeter?
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